lundi 30 mai 2016

L'Origine de l'Intelligence et le Projet d'une Cartographie du Cerveau




L'origine de l'intelligence

Les avancées dans le domaine des neuro-sciences permettent aux scientifiques 
d'être chaque jour plus proches d'obtenir une réponse définitive


Tout au long de l'histoire de l'humanité un nombre infini de chercheurs ont cherché à répondre à cette question sans grand succès. Ils n’ont pas trouvé non plus une réponse satisfaisante à ce qu’une personne soit plus intelligente qu’une autre. Certains scientifiques pensaient que la taille de certaines zones du cerveau – y compris celui du cerveau  était la solution de l'équation ; d'autres, cependant, croient que la clé résidait dans le nombre de neurones.

Qu’est-ce que l’intelligence ? D’où vient-elle ? Quelle est son origine au sens historique mais aussi au sens physiologique ? Est-ce une zone particulière du cerveau ? Est-ce certaines connexions particulières ?

L'intelligence  selon la définition du dictionnaire  est l'ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre elles et d'aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l'intuition). Elle permet de comprendre et de s'adapter à des situations nouvelles et peut en ce sens être également définie comme la faculté d'adaptation. L'intelligence peut être également perçue comme la capacité à traiter l'information pour atteindre ses objectifs.

L’intelligence humaine, celle qui le distingue des animaux, consiste à créer du lien entre des événements qui n’en avaient pas de façon évidente. C’est cette capacité à donner du sens qui est spécifique à l’homme parmi toutes les fonctions intelligentes :

* L’attention ou distinction est une faculté de faire attention et distinguer des choses ou actes existants dans l’environnement.
* La concentration est une faculté permettant d’évaluer les distances, de se représenter des volumes et mouvements par représentation mentale.
* La conscience ou compréhension est une faculté de comprendre les problèmes et les actes généralement.
* Le raisonnement ou pensée est la faculté de planifier. Elle est aussi appelée créativité.
* L’humour est une preuve que l’on s’adapte facilement socialement.

La seule fonction cérébrale qui semble pouvoir être considérée comme à l’origine de cette fonction "intelligence" n’est ni la mémorisation, ni le langage, ni l’écriture, ni d’autres fonctions mais plutôt l’automatisme dit d’interprétation que l’on trouve dans une zone cingulaire du cortex cérébral.

Notre cerveau a développé une capacité d’interprétation intuitive d’une part et une capacité de confrontation logique d’autre part. Le combat entre intuition et raisonnement correspond partiellement à une opposition entre les deux hémisphères cérébraux. Le dialogue du cerveau provient du fait que les deux hémisphères ne donnent pas des réponses du même type, si on leur envoie la même information. La richesse de la pensée humaine, sa complexité, pourrait bien avoir cette origine.

Le rôle du cortex cingulaire antérieur

Le cortex cingulaire est une partie du cerveau située sur la partie médiale du cortex, au-dessus et le long du corps calleux depuis le lobe frontal médial jusqu’au sillon cingulaire, en arrière.

Il existe une région particulière du cerveau humain dans laquelle les systèmes neuraux sous-tendant l’expression et la perception des émotions, ainsi que ceux relatifs à la mémoire de travail et à l’attention, interagissent de façon si étroite qu’ils constituent la source mobilisatrice aussi bien des activités externes (les mouvements du corps) que des activités internes (vie mentale, raisonnement). Cette région est le cortex cingulaire antérieur, une pièce de ce puzzle que constitue le système limbique.

Trois régions du cerveau impliquées dans l’intelligence

Plusieurs régions clés ont été répertoriées. Les plus importantes se retrouvent au niveau du cortex préfrontal gauche, du cortex temporal  très largement utilisé pour l'intelligence générale  et à l’arrière du cerveau, au niveau du cortex pariétal. Certaines zones de l’intelligence générale et des fonctions exécutives se chevauchent. Ces structures sont également interconnectées.

Les facultés intellectuelles et cognitives ne correspondent pas à une région précise du cerveau, ni à l’intégralité de l’encéphale, mais elles dépendent de quelques aires spécifiques.

Les régions particulières et les connexions indiquent que l’intelligence dépend de la capacité du cerveau à intégrer l’information depuis des processus verbaux, visuels, spatiaux et exécutifs.

Intelligence : la part des gènes

Les études génétiques de l'intelligence se placent maintenant dans une perspective cognitiviste, qui décompose l'intelligence en aptitudes assorties d'un ancrage neurobiologique et cérébral : à chaque fonction psychologique  les variantes de la mémoire, l'apprentissage, la plasticité  correspond un réseau de structures cérébrales.

L'intelligence mesurée par les tests de QI ne se prête pas à des études génétiques. Cet instrument nous renseigne sur le degré d'adaptation sociale et intellectuelle d'un individu, sans tenir compte de fondements biologiques sous-jacents, qui permettraient de relier les capacités mesurées aux gènes.

Des gènes interviennent dans le fonctionnement du cerveau et, par contrecoup, sur nos comportements. Mais l'existence d'une relation entre gènes et comportements n'implique pas pour autant que l'intelligence soit héréditaire.

Les gènes n'agissent pas de façon linéaire : ils induisent, en interaction les uns avec les autres, des cascades de réactions extrêmement complexes impliquant une multitude d'acteurs différents. Chaque gène est polyvalent et il est impossible de dresser une carte du génome où l'on ferait correspondre tel gène à telle fonction.

L'opposition inné/acquis, c'est un débat dépassé

On a tendance à dire que ce qui apparaît à la naissance, c'est l'effet des gènes. C'est faux : pendant les neuf mois de grossesse, il se passe beaucoup de choses. La mère sert en quelque sorte de filtre aux événements extérieurs, sociaux mais aussi chimiques  ce qu'elle mange, respire, fume, boit, ingère ou s'injecte comme drogue , elle peut aussi être stressée, anxieuse, fatiguée.

Tout cela n'est pas sans conséquence sur le fœtus. Il y a en réalité, dès les premières millisecondes de la fécondation, un effet de l'environnement. Cette interaction précoce des facteurs génétiques et d'environnement indique que l'inné est en grande partie acquis et qu'on ne peut pas conclure que ce qui arrive à la naissance est prédéterminé par les gènes. Quant à l'acquis, c'est par définition tout ce qui s'apprend. Or, là aussi, l'acquis peut être antérieur à la naissance. On sait que le fœtus est déjà doté de capacités d'apprentissage, qu'il est capable de reconnaître par exemple, la voix de ses parents.

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Le cerveau humain n’a jamais été autant étudié par les chercheurs. Et il ne s’agit pas que de biologistes et de neurologues. Des scientifiques issus de toutes les disciplines travaillent sur le sujet. Les psychiatres, par exemple, s’intéressent toujours plus aux liens entre maladies mentales et troubles du cerveau. Les ingénieurs en informatique et en robotique tentent pour leur part de s’inspirer de notre architecture neuronale pour créer des outils technologiques.


Projet du Connectome Humain

Le Projet du Connectome Humain, mené par le National Institute of Health aux Etats-Unis, comparable en importance au projet du génome humain, a été lancé en juillet 2009.

Il a pour but de cartographier en détail toutes les connexions à l'intérieur du cerveau. La tâche est colossale, mais les retombées extrêmement prometteuses : comprendre ce que nous sommes, comment fonctionne notre cerveau et pourquoi, parfois, il déraille.

Un grand nombre de chercheurs en neurosciences, qu’ils soient biologistes, chimistes, informaticiens, mathématiciens ou médecins, travaillent là-dessus.

D'une durée de cinq ans et rassemblant dix centres de recherche aux Etats-Unis et en Europe, il a pour objectif de collecter une vaste quantité de données en recourant à des systèmes d'imagerie avancés portant au total sur 1.200 adultes sains et d'y donner librement accès aux chercheurs dans le monde.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) de diffusion. À la base, cette technique permet de retracer le câblage des fibres nerveuses de la matière blanche du cerveau qui relient les neurones, un peu à la manière d’un réseau routier. Pour le moment, l’IRM ne peut prendre de mesure en dessous du millimètre. Or il faut atteindre un niveau microscopique pour cartographier le connectome.

Les jaune et rouge représentent les régions  où
une plus grande activité a été développée chez
les participants pour une ou plusieurs tâches.
Le bleu représente les régions moins actives.
Les premières images et données publiées en mars 2013, les plus détaillées jamais collectées, proviennent de 68 adultes volontaires en bonne santé. Outre les nombreuses images de leur cerveau, le projet fournit aussi des informations sur les traits de leur personnalité et leurs capacités intellectuelles.

David Van Essen, professeur à la faculté de médecine de l'Université Washington à St Louis (Missouri), un des principaux responsables de ce consortium, explique qu’en rendant disponibles immédiatement ces données uniques et en continuant à en publier régulièrement de nouvelles tous les trimestres, l'Human Connectome Project permet à la communauté scientifique de commencer sans attendre à explorer les liens entre les circuits du cerveau et les comportements individuels.

Selon lui, cette étude aura un impact majeur sur notre compréhension du fonctionnement du cerveau des adultes en bonne santé et établira la base pour de futurs projets d'étude qui examineront les changements dans les circuits cérébraux qui sont à l'origine d'une grande variété de maladies mentales.


Le Human Brain Project

Le Human Brain Project (HBP) a été lancé en octobre 2013. Devisé à 1,2 milliard d'euros, la Commission européenne contribue à son financement, estimé à 1.19 milliards d'euros.

Coordonné par une équipe de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le Projet du Cerveau Humain fédère plus de 80 institutions de recherche européennes et internationales pour trouver des traitements contre les maladies du cerveau, via la reconstitution sur ordinateur du cerveau humain.

Il vise à modéliser la structure et le fonctionnement du cerveau humain grâce à l'informatique. 135 partenaires  neuroscientifiques, médecins, informaticiens, roboticiens  participent au projet.

Six plates-formes de recherches


Elles portent sur la neuro-informatique, la simulation du cerveau, le calcul à haute-performance, l'informatique médicale, l'informatique neuro-morphique et la neuro-robotique.

Dès 2016, les plates-formes seront à disposition des équipes scientifiques du monde entier.

A l’origine du Human Brain Project, on trouve un autre travail, le Blue Brain Project. Il s’agissait de simuler une colonne de neurones du cerveau du rat.


Projet de création d’une cartographie
 de l’activité cérébrale

Un effort concerté de grande envergure pour faire
 progresser la connaissance de l'homme sur
les neurones, la perception, l'action et la conscience

Brain Research through Advancing Innovative Neurotechnologies (BRAIN)
vise à aider les chercheurs à comprendre les troubles neurologiques, 
comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson,
la dépression et les lésions cérébrales traumatiques.


Le 2 avril 2013, le président Obama a présenté le Brain Activity Map Project. Ce programme, qui pourrait s’étaler sur 10 ans, a pour but de comprendre le fonctionnement du cerveau humain et ainsi de trouver de nouveaux traitements curatifs ou préventifs pour des troubles du cerveau tels que la maladie d’Alzheimer, de Parkinson ou l’épilepsie.

Le Brain Activity Map Project  aussi appelé BRAIN Initiative : Brain Research through Advancing Innovative Neurotechnologies  est un projet de recherche public-privé ayant pour objectif d'accélérer le développement et les applications de technologies innovatrices pour améliorer la compréhension du cerveau humain. Le projet est basé sur le même principe que le Projet génome humain. Ce programme va durer une dizaine d’années.

L’initiative BRAIN dépasse largement le cadre des neurosciences. Pour comprendre l’ensemble des fonctionnalités du cerveau, il faudra développer de nouveaux outils, de nouvelles technologies qui pourront s’avérer utiles même dans des domaines qui n’auront rien à voir avec le cerveau. Par exemple, le développement de nouveaux capteurs susceptibles de saisir l’activité des neurones. Aujourd’hui, lorsqu’on désire connaître le comportement d’un neurone individuel, il faut utiliser des microélectrodes, ce qui implique une opération chirurgicale et l’ouverture de la calotte crânienne. Une telle complexité est bien sûr incompatible avec les buts de la BRAIN initiative.

Il faudra développer des nano-systèmes capables de tracer le comportement neuronal de façon moins invasive. La nanotechnologie sera véritablement au cœur de BRAIN. Par exemple, le neuroscientifique Rafael Yuste de l’université de Columbia, espère utiliser des “nano-diamants” susceptibles de changer de couleur quand une impulsion électrique est envoyée par un neurone. Ces nano-diamants pourraient être attachés à un unique neurone, ou dispersés partout dans le cerveau.


Ce programme de recherche s'articule autour de trois grands axes :


* Créer la prochaine génération de techniques d'imagerie,
* Développer des méthodes d'enregistrement à grande échelle de l'activité cérébrale,
*  Élaborer des modèles informatiques permettant de comprendre les fonctions de circuits neuronaux spécifiques.

Le cerveau humain est composé de 100 milliards de neurones qui interagissent entre eux à travers 100.000 milliards de connections. Il reste ainsi l’une des “terra incognita’ de la science et l’un des plus grands challenges de la médecine.

Les principales étapes  programmées sont les suivantes::

Une molécule fluorescente dans les
neurones de souris brille lorsque
les cellules cérébrales sont activées
* Recenser les différents types de cellules nerveuses.
* Créer des cartes structurelles du cerveau.
* Développer un réseau à grande échelle enregistrant les capacités cérébrales.
* Développer des outils pour la manipulation des circuits neuronaux.
* Lier l'activité neuronale aux comportements.
* Intégrer les théories, modélisations, statistiques avec les résultats des expérimentations.
* Mieux préciser les processus sous-jacents aux techniques d'imagerie cérébrale.
* Créer des mécanismes facilitant les observations chez l'homme.
* Diffuser les connaissances et les modalités d'apprentissage.

L’initiative BRAIN permettra de visualiser directement les activités du cerveau impliquées dans des fonctions vitales comme la vision, l’audition et la mémoire. Une étape cruciale pour la compréhension des maladies cérébrales et la mise au point de traitements contre ces maladies ou toutes autres lésions du système nerveux.

Si les scientifiques fondent autant d'espoir dans ce projet c'est qu'il pourrait, à terme, permettre de développer une technologie essentielle à la compréhension de maladies comme Alzheimer ou Parkinson et de nouveaux traitements pour de nombreuses affections mentales. Une étude primordiale, qui pourrait également ouvrir la voie à des progrès majeurs en matière d'intelligence artificielle.

Source : National Instituts of Health


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Ces projets transforment les paramètres éthiques de la recherche. De façon générale, la recherche sur le cerveau pose une série de questions éthiques, par exemple lorsque les chercheurs mènent des expériences sur les animaux. L’association de la puissance des ordinateurs à des bases de données nécessite un cadre et une méthodologie bien particulière et bien réfléchie. La communauté scientifique dans son ensemble doit former ces règles. Et le public doit en être informé.



Ce qui semble clair, c'est que, de plus en plus, les progrès dans le domaine de la neurobiologie permettent aux scientifiques se rapprocher chaque jour pour obtenir une réponse définitive à la question : où se situe l'intelligence ? Nous savons quelle partie est héritée, quelle partie est donnée par la formation de l'individu et que, peut-être, certains réseaux de neurones aient aussi quelque chose à dire. Ce qui semble évident est que le compte à rebours pour la détection définitive de l'origine de l'intelligence humaine a déjà commencé.


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